lundi 23 novembre 2009

La légende de Sigebert et du Mont Saint Blaise


Fort SaintBlaise - Augny (57)



Le texte que je vous propose est issu du "Dictionnaire des Traditions Populaires Messines" du docteur de Westphalen. Je vous le livre tel quel.


La légende :


Le bon roi Sigisbert, modèle de sagesse et de bravoure, venait d’épouser la belle princesse Brunehilde (Brunehaut). Tous les seigneurs de son royaume furent invités à prendre part aux fêtes qui se donnèrent durant quarante jours en sa ville royale de Metz. Il y vint nobles gaulois, polis et insinuants ; des nobles germains habillés de fourrures et aussi rudes de manière que d’aspect.


Les festins furent splendides, les tables étaient couvertes de plats d’or et d’argent, fruits de la conquête ; des sangliers et des daims entiers étaient servis tout embrochés ; le vin et la bière puisés dans les tonneaux défoncés, coulaient sans interruption dans des coupes de jaspes ou des cornes de buffle à rebord d’argent. Aux plaisirs de la table succédèrent les plaisirs de la chasse dans les vastes forêts qui environnaient alors la capitale d’Austrasie.



Bertuzzi Nicola : le festin de Balthasar



A l’une de ces royales chasses, le cheval de Sigisbert fut emporté par un pouvoir surnaturel, et entraîné loin de ses leudes à la poursuite d’un cerf gigantesque qui, après mille détours, s’évanouit comme une grande ombre à travers d’épais buissons ; un homme hideux en sortit, s’inclina devant le roi des Francs, le supplia d’être sans alarmes, car j’ai mandat, ajouta t’il, de vous faire connaître des choses surprenantes, si vous avez le courage de m’accompagner au château qui vous apercevez sur cette haute montagne.



Heures à l'usage de Tours ou de Bourges



La peur m’est inconnue, répliqua Sigisbert, je ne pourrai l’éprouver que par la chute du ciel. Arrivés à la poterne, des valets silencieux s’emparèrent du cheval du prince ; d’autres l’introduisirent dans une vaste salle, où il vit un auguste personnage et ses soldurii assis en silence à un somptueux festin.

Après en avoir longtemps admiré la superbe ordonnance, les magnifiques vases d’or et d’argent, la profusion des viandes et de venaison placées devant les convives, il prit congé de la morne assemblée sans qu’elle eût paru remarquer sa présence. Son guide mystérieux le reconduisit jusqu’au bas de la montagne et lui apprit que l’auguste personnage qu’il venait de quitter était son illustre aïeul, le grand Clovis, premier roi chrétien, il est vrai, mais oppresseur de ses sujets dans les dernières années de sa vie.



DEJUINNE François Louis - Clovis 1er, Roi des Francs



Ceux que vous avez remarqués autour de lui, ajouta t’il, sont les complices de ses exactions, condamnés comme lui à les expier par de longues et cruelles pénitences ; aujourd’hui c’est celle du silence ; dans un moment, ce sera celle du feu. O roi ! que le souvenir de ce jour se grave à jamais dans votre mémoire et vous garde des erreurs de votre noble ancêtre ; songez que tous les hommes sont égaux devant Dieu et jugés selon leurs œuvres.



Le chemin menant au sommet du mont



A ces mots, le fantôme disparut, le château fut foudroyé, et les échos répétèrent de longs et sourds gémissement. De retour à Metz, le roi manda un pieu solitaire du nom de Blaise, et par son conseil fit élever un monastère sur la montagne de l’apparition ; il en confia la direction au célèbre cénobite, et lui en concéda les coteaux environnants.


Blaise venait d’atteindre sa centième année, et achevait de célébrer le saint sacrifice de la messe, lorsqu’une musique céleste se fit entendre : la voûte de l’église s’ouvrit, et les assistants virent Clovis entouré de ses fidèles, monter vers le ciel tout rayonnant de gloire.

Ce fut aussi le dernier jour de saint Blaise : sa mission sur terre était accomplie.



Le fort Saint Blaise




La réalité :



Sigisberg et le cerf.


Comme dans de très nombreuses légendes, un cerf apparaît au chasseur. Et comme dans la plupart des légendes, il le suit. Parfois heureux présage, parfois signe d’un funeste avenir, le cerf semble avoir la fonction de destin. Et ce destin est rarement rattrapable ou alors dans la mort du protagoniste. En effet le cervidé n’a pas comme fonction d’être rattrapé, mais simplement d’être suivi dans une course toujours longue et difficile… parfois éternelle comme dans les chasses fantastiques.





Ici, le roi Sigisberg suit le doigt de Dieu pour recevoir un avertissement sur la conduite à tenir. Il n’aurait d’ailleurs pas était étonnant que le cerf soit blanc, couleur fréquente pour symboliser la présence divine dans la légende.



Sigebert Ier d'après le Recueil des rois de France



L’abbaye du mont Saint Blaise où l’histoire d’une étonnante reconversion.


Ne cherchez pas de monastère il fut remplacé par un château. Ne cherchez pas non plus de château il fut remplacé par un fort. De même, ne cherchez pas de fort… l’entrée est (théoriquement) interdite. Les lieux connurent donc des usages variés sans compter les occupations plus anciennes. Le recyclage de la pierre prouva que les romains y avaient bâti un bâtiment d’importante envergure.



Le fronton du fort



En 566 aurait été construit le monastère, par Saint Blaise lui-même, selon la légende, et il aurait était en fonction jusqu’en 740, date où Charles Martel donne les lieux au comte Heldevigh. On dit que les moines expulsés appelèrent sur lui et ses successeurs, une punition divine, et lui prédirent que ce bien usurpé ne passerait jamais à la quatrième génération. Toujours est-il qu’une forteresse prit lieu et place de l’ancienne abbaye. Celui-ci possédait notamment un impressionnant donjon de 4 étages. Le tout était entouré de fossés. Les chroniqueurs (religieux, évidemment) racontent que conformément à la prédiction, le château connu moult propriétaires dont aucun ne prospéra. Par la suite, les ducs de Lorraine se servirent du mont Saint Blaise pour y maintenir leurs troupes. En 1809, le donjon fut détruit pour construire une ferme avec ses pierres.



Les fossés du fort



Le mont Saint Blaise retrouva une fonction religieuse grâce à la présence d’une chapelle qui attirait à elle les pèlerins. Elle dût exister jusque vers la fin du 18ème. Une statue se Saint Blaise y était vénérée. Lors de la destruction de la chapelle elle fut placée dans un jardin par un des habitants.

Le 9 Mai 1899, l’empereur Guillaume II pose ma première pierre du fort Saint Blaise, que l’on trouve encore aujourd’hui.



Saint Blaise à l’origine du monastère ?


La réponse est évidemment non.

Tout d’abord parce que Blaise vécu en Arménie mineure et ensuite parce qu’il vécut fin IIIème début IVème siècle. Il fut évêque de Baste. Si le saint ne vint jamais dans l’actuelle Moselle, sa réputation, elle, y parvint en suivant l’essore des bénédictins. C’est donc tout naturellement qu’elle arriva jusqu’à Gorze, voisine du Mont Saint Blaise. Il doit popularité au fait qu’il était considéré comme un saint puissant, auquel on faisait souvent recours pour obtenir un miracle.


La statue de Saint Blaise anciennement présente sur le mont



On sait qu’un important bâtiment romain fut présent sur le mont et il faut garder en tête que nous sommes à peu de distance du fameux aqueduc de Jouy aux Arches. La construction pouvait elle être un temple dédié à une des divinités romaines ? C’est une hypothèse plausible vu la symbolique de l’eau dans cette religion, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres. Si c’est le cas, il aurait été tout naturel que les lieux soient christianisés en opérant un « recyclage ». Le temps passant une christianisation sommaire aurait pu déboucher sur la création d’un monastère. Donc point de Saint Blaise sur ce mont. A noter que l’on trouve des reliques de saint Blaise dans l’église Saint Eucaire dans la toute proche ville de Metz.



Le bas du fort



Plan :


Voici le plan pour vous rendre au Mont Saint Blaise. Attention, il s'agit d'un terrain militaire, il est donc interdit d'y pénétrer.



Légendes thématiquement proches :





Légendes géographiquement proches :





Bibliographie :


Chatel Saint Blaise et l’Aqueduc Romain. Victor Simon. L’Austrasie. 1839. Volume 5. Pages 325-339.

http://books.google.fr/books?id=76BMAAAAMAAJ&pg=PA329&dq=chatel+saint+blaise+l%C3%A9gende&lr=&as_brr=3#v=onepage&q=&f=false


A plus hault sens : l’ésotérisme spirituel et charnel de Rabelais. Notice sur Saint Blaise Extraite du Dictionnaire de Westphalen. Volume 1. Claude Gaignebet. 1964. Pages 278-279.


La dévotion à Saint Blaise dans l’église Saint Eucaire de Metz. Christine Aubé Barbazanges.

http://lodel.irevues.inist.fr/saintjacquesinfo/index.php?id=1137


Notice de la Lorraine. Dom Calmet. 1840. Tome 1. Page 183.

Aucun commentaire: